J’ai trouvé par je ne sais quel hasard un documentaire télévisé excessivement rare ayant pour sujet le pionnier du cinéma underground, Kenneth Anger, alors qu’il était en train de tourner son court métrage occulte “Lucifer Rising”. Anger était un pionnier du cinéma queer en tant que l’un des premiers cinéastes américains ouvertement gay. Il était aussi membre de l’Ordo Templi Orientis, qui célèbre la religion crowleyenne appelée Thelema. Je n’ai trouvé que deux seules copies, « grossièrement » sous-titrées en anglais, de ce reportage qui s’intitule “Kenneth Anger: Film als magisches Ritual” (« Kenneth Anger : Le cinéma comme rituel magique »). Celui-ci est aussi connu sous le titre alternatif “Kenneth Anger: Magier des Untergrundfilms”, c’est-à-dire « Kenneth Anger : Le magicien du film underground ». Ce portrait de Kenneth Anger fut diffusé une première fois le 29 avril 1970 sur la chaîne de télévision généraliste régionale allemande Westdeutsches Fernsehen (WDF) qui dessert la Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Je me suis donc évertué à rechercher des informations concernant ce documentaire du réalisateur Reinhold E. Thiel et j’ai vite constaté qu’il y en avait très peu. Après plusieurs heures de recherche, j’ai finalement trouvé une copie originale de la vidéo, c’est-à-dire sans aucun sous-titre, ce qui fit ma plus grande joie.
Le chroniqueur Richard Metzger écrivait dans le magazine Dangerous Minds au sujet de ce film :
« Anger évoque ses théories de l’art inspirées d’Aleister Crowley : comment il perçoit sa caméra comme une baguette magique et comment il choisit ses acteurs, préférant considérer ses acteurs non pas comme des êtres humains, mais comme des esprits élémentaires [démons ou anges]. Il révèle même qu’il va jusqu’à utiliser l’astrologie pour faire ces choix. C’est l’explication la plus directe du mode opératoire cinématographique d’Anger que j’aie jamais entendu formuler. C’est un incontournable pour quiconque s’intéresse à son œuvre et il met en scène le Magus du cinéma au sommet de son art. Fascinant. »
Kenneth Anger est non seulement un cinéaste d’avant-garde, il est aussi un occultiste et un magicien opératoire. Il affirmait sans détour dans le documentaire : « La magie signifie faire travailler les forces de l’univers pour nous et non contre nous. » Il est aussi, selon ses propres aveux, un luciférien et un sataniste, ainsi qu’un fervent adepte du magicien contemporain Aleister Crowley. Il ajoutait :
« J’aimerais d’abord expliquer ce que la magie n’est pas… ce n’est pas un tour de passe-passe. Pour moi, la magie est le fondement de toute vie. Il n’y a pas de différence entre la magie dans la vie quotidienne et dans des circonstances particulières. Elle attend en arrière-plan de toutes choses. C’est la science et l’art de provoquer des changements par des actes de volonté. Et en tant qu’artiste, j’ai choisi le cinéma comme mon arme magique. La caméra de cinéma est ma baguette de magicien et j’invoque des esprits pour qu’ils accomplissent ma volonté, sous la forme de techniciens et des forces élémentaires sous forme d’électricité, de lumière et de couleur. »
Je m’intéresse à Anger et Crowley depuis très longtemps car c’est d’eux que découle le mouvement contre-culturel qui a contribué à l’éclatement de la cellule familiale et de la société tel que nous le subissons aujourd’hui. Nous en vivons les conséquences douloureuses. C’est ce que j’ai expliqué en partie dans mon livre “La Société fabienne: les maîtres de la subversion démasqués”, publié en 2019. La devise luciférienne de Crowley, « Fais ce que tu veux sera toute la Loi » (Do what thou wilt shall be the whole of the Law), a imprégné l’esprit de tous les rebelles, menant aux pires dérives qui soit. Parmi les nombreux adeptes de Crowley, on retrouve Timothy Leary qui fit la promotion active des drogues psychédéliques avec le soutien des services secrets, dont la CIA. « J’accorde un crédit total à la CIA pour avoir parrainé et initié tous les événements de contre-culture du mouvement de la conscience des années 1960 », dit-il à l’émission Close Up!, diffusée par la chaîne de télévision ABC le 30 janvier 1979.
Il serait trop laborieux, et surtout impossible, d’énumérer ici la multitude des adeptes d’Aleister Crowley. L’esprit du Mage Noir, « la Bête 666 », s’est répandu dans toutes les sphères de la société à travers le cinéma, la musique populaire et le rock ‘n’ roll. Les adeptes d’Aleister Crowley sont légion et ils sont liés par le même esprit maléfique de destruction. En ce qui concerne Kenneth Anger, nous savons que Mick Jagger des Rolling Stones a écrit la musique de son film de 1969 “Invocation of My Demon Brother” (Invocation de mon frère démon), tandis que Jimmy Page du groupe Led Zeppelin a composé la première version de la bande sonore du court métrage “Lucifer Rising” (ci-dessus), mais qu’il ne put la terminer à cause de sa toxicomanie à l’héroïne et de ses problèmes de santé. La bande sonore a finalement été enregistrée en prison par le meurtrier Bobby Beausoleil, membre de la « Famille » du gourou et criminel américain Charles Manson. Anger n’a été satisfait de la dernière version révisée qu’en 1980.
Je partage donc en exclusivité le documentaire de Reinhold E. Thiel, “Kenneth Anger: Film als magisches Ritual” (« Kenneth Anger : Le cinéma comme rituel magique »), pour lequel j’ai ajouté des sous-titres en français. Il s’agit de la première traduction française de ce reportage. Je partage aussi les articles de Richard Metzger et de Sophie Pinchetti, respectivement publiés les 16 et 23 septembre 2014. ◼




