Mon cousin, le colonel Félix Boyer de Bouillane, membre du Special Air Service (SAS), appuyait le débarquement allié en Normandie en 1944


Insigne de béret du SAS représentant à l’origine l’épée Excalibur auréolée de flammes (flaming sword), il est souvent décrit comme une « dague ailée » (winged dagger).

Né le dimanche 2 septembre 1917 à Brest, mon cousin au 15e degré du grand-parent Berthon de Bouillanne (né vers 1430 dans la Vallée de Quint), Félix Marie Henry Amédée Boyer de Bouillane, appuya le débarquement allié en Normandie pendant la Seconde Guerre mondiale. Colonel de l’Armée de l’Air, il était membre 2e régiment de chasseurs parachutistes du Special Air Service (SAS), faisant partie des Forces aériennes françaises libres (FAFL), créées le 8 juillet 1940 par le général de Gaulle.

Le Special Air Service s’est fait connaître pendant la Seconde Guerre mondiale en se livrant à des raids audacieux menés sur les arrières des lignes allemandes en Afrique du Nord. Pour se renforcer, elle a intégré des unités étrangères, en particulier françaises (1re compagnie d’infanterie de l’air) et grecques (bataillon sacré). À la fin de la campagne du désert (Libye, Cyrénaïque, Crète et Tunisie) elle rejoint la Grande-Bretagne pour se restructurer en vue des opérations de libération de l’Europe du sud (Italie) puis du nord (France, Belgique, Pays-Bas) en formant une brigade anglo-franco-belge.

Ce 19 août 1944 sur Juno Beach, près de Courseulles-sur-Mer (Calvados), débarquent 19 Jeep armées chacune de quatre mitrailleuses lourdes et de leurs munitions, de bazookas et de roquettes, de caisses de grenades, et nanties de jerrycans d’essence supplémentaires fixés sur le capot. Les cinq pelotons du HQ Squadron du 3e SAS (Special Air Service) – soit six officiers et 51 soldats commandés par le lieutenant Guy de Combaud-Roquebrune – entament une traversée de la France de plus de 650 kilomètres dont 250 en territoire occupé et rejoignent les SAS parachutés auprès de la Résistance dans la région de Tournus. Leur mission est de s’infiltrer pour désorganiser la retraite allemande, mener des raids en profondeur derrière les lignes ennemies, attaquer les centres nerveux du haut commandement et ainsi hâter la fin de la guerre.

Des années qu’ils s’entraînent, des années qu’ils pataugent dans les landes, sautent des tours d’exercice du fameux camp Ringway, non loin de Manchester, qu’ils préparent leurs actions, qu’ils étudient les cartes, qu’ils imaginent chaque chemin creux pour monter l’embuscade, chaque taillis et bosquet pour rassembler le stick, chaque bâtiment isolé pour un temps de repos. Des heures de maniement des armes et des explosifs, des heures de combat au corps-à-corps et de sauts d’entraînement, des heures de camaraderie intense et de feux de camp. [1]


Félix Marie Henry Amédée Boyer de Bouillane

Le nom de Félix Marie Henry Amédée Boyer de Bouillane est cité aux pages 321 et 324 du livre de l’historien spécialiste de la Seconde Guerre mondiale, Benjamin Massieu, intitulé « Les Français du Jour J » (Editions Pierre de Taillac, 2019). En 1943, promu lieutenant, Jacques Joubert des Ouches est affecté comme moniteur à l’école de chasse Meknès [Maroc]. Mais, voulant avant tout en découdre, il n’y restera pas longtemps. En ayant sans doute fait jouer ses relations, il parvient à se faire muter au groupe de chasse Berry, alors en formation à Alger. Puis, en février 1944, cette unité est transférée au Royaume-Uni, précisément à Ayr, en Écosse. Titulaire, à 24 ans, de la Croix de Guerre avec 5 palmes, comptant 220 heures de vol sur avion de guerre et après avoir participé à 160 missions offensives, le lieutenant Joubert des Ouches décolle donc de Shoreham en direction de la pointe du Contentin. La formation du Berry survole le secteur assigné aux aviateurs français depuis 45 minutes quand le moteur du Spitfire du lieutenant Joubert des Ouches commence à cafouiller. [2]

Son coéquipier Félix Boyer de Bouillane raconte dans son rapport :

« Nous étions alors à une hauteur de 2.500 pieds. Mais son appareil commençait à perdre de l’altitude. Comme j’étais près de lui, je pus le voir distinctement ouvrir le ‘hood’ et accomplir les différentes opérations qui précèdent le saut. Sa vitesse baissait rapidement, et bien que j’eûs réduit u maximum, je commençais à la distancer. Aussi, comme c’était la seule méthode, je fis rapidement un virage serré, mais ensuite je cessai de le voir à travers les nuages qui couvraient environ les quatre cinquième du ciel. Je piquai dans l’espoir de le revoir au-dessous des nuages ou à la surface de la mer. L’ensemble ne dura pas plus de deux minutes et le dernier point où je le vis était à environ 2 miles au nord de Saint-Marcouf. Environ 3 minutes après le dernier message du lieutenant Joubert, le capitaine Guizard l’appela sur Bouton-C mais ne reçut pas de réponse. Je patrouillai à une hauteur d’environ 1.000 pieds sur le secteur, d’après mes estimatios, il devait se trouver. » [3]

Félix Boyer de Bouillane est le fils du capitaine de frégate et Chevalier de la légion d’honneur, Charles Marie Camille Boyer de Bouillane (1885-1940), et de Paule Moreau de Bonrepos. Il est de ce fait le petit-fils du magistrat et avocat à la Cour d’Appel de Paris, Pierre Paul Henri Dominique Boyer de Bouillane (1848-1908) et le père de l’homme d’affaire Tristan Boyer de Bouillane, directeur général chez Perrelet.

Félix Boyer de Bouillane est décédé le vendredi 13 octobre 2000 à Paris, à l’âge de 83 ans. Il est inhumé au cimetière Saint-Ferjus qui est l’ancien cimetière de la ville de La Tronche, limitrophe de Grenoble (Rhône-Alpes), aux côtés de ses grands-parents Paul Boyer de Bouillane (1848-1908) et Jeanne Françoise Thérèse Nicolet (1859-1934), ainsi que ses oncle et tante : Henry Marie Auguste Boyer de Bouillane, Maréchal des logis du 37e Régiment d’Artillerie de Campagne et Marie Boyer de Bouillane, Dame d’honneur de Henriette de Belgique, duchesse de Vendôme et d’Alençon.

Il reçut les distinctions de Chevalier de la Légion d’Honneur en 1946 et d’Officier de la Légion d’Honneur en 1953 (Société des Membres de la Légion d’Honneur – Finistère Nord).


Le 2e régiment de chasseurs parachutistes

Insigne du 3e bataillon du 2e RCP

Le 2e régiment de chasseurs parachutistes est une des unités françaises les plus décorées de la Seconde Guerre mondiale. Il est la seule unité terrestre à avoir obtenu la fourragère rouge au cours de ce conflit avec six citations à l’ordre de l’armée, le sous-marin Casabianca cumulant également 6 citations à l’ordre de l’armée et donc la même fourragère.

Connue dans l’armée britannique sous le nom de 4th SAS, cette unité fera l’objet du film Le Bataillon du ciel réalisé en 1947 par Alexander Esway d’après le livre de Joseph Kessel.

Création et différentes dénominations :

  • 1er juillet 1943 : création du 1er bataillon d’infanterie de l’air.
  • 1er novembre 1943 : 4e bataillon d’infanterie de l’air.
  • 1er avril 1944 : renommé 4e régiment SAS ou 2e régiment de chasseurs parachutistes pour les Français.
  • 30 septembre 1946 : dissolution du régiment.

Constitution de l’unité

Le 1er bataillon d’infanterie de l’air (1er BIA) est constitué le 1er juillet 1943 au camp d’Old Dean à Camberley à partir de volontaires et des 1re et 2e compagnies d’infanterie de l’air dont la création remonte au 15 septembre 1940.

Le bataillon, intégré aux forces aériennes françaises libres, est confié au commandant Fourcaud. Il compte alors 398 hommes répartis en quatre compagnies. Ses hommes sont tout d’abord brevetés parachutistes au Central Landing Etablishment (CLE) de Ringway.

L’unité est renommée 4e bataillon d’infanterie de l’air le 1er novembre 1943 et passe aux ordres du commandant Bourgoin, un manchot amputé du bras droit en février 1943 lors d’une mission reconnaissance en Tunisie. Le 4e BIA est joint au 3e BIA du commandant Chateau Jobert au sein d’une demi-brigade commandée par le lieutenant colonel Durand.

Il est à noter que de nombreux volontaires français suivront une formation parachutiste à l’école des troupes aéroportées de la 1re Brigade indépendante de parachutistes polonais à Largo, en Écosse, où 244 brevets polonais seront délivrés.

En avril 1944, les BIA, qui ont rejoint en décembre 1943 leurs homologues britanniques et belges au sein de la brigade SAS de l’Army air corps, prennent la dénomination de régiments : les 3e et 4e BIA deviennent respectivement les 3rd et 4th SAS Regiments pour les Britanniques et un peu plus tard, les 3e et 2e régiments de chasseurs parachutistes pour les Français.

Les opérations de Bretagne

Le soir du 5 juin vers 22 h 30, heure anglaise, (20 h 30 en Bretagne) quatre sticks SAS (36 hommes) respectivement aux ordres des lieutenants Marienne, Deplante, Botella et Deschamps, embarquent dans deux quadrimoteurs Short Stirling de la RAF à destination de la Bretagne.

Les deux premières équipes sont parachutées, 2 heures plus tard, sur le secteur de Plumelec – Guéhenno, à 15 km du maquis de Saint-Marcel, Morbihan. Les deux autres en forêt de Duault dans les Côtes-d’Armor. Leur mission est d’établir des bases de guérillas dont les noms de code sont respectivement opération Dingson et opération Samwest.

Le stick du lieutenant Marienne est repéré. Un important détachement géorgien l’encercle et au cours de l’accrochage qui s’ensuit, le caporal Émile Bouétard est blessé puis achevé, Il est ainsi le premier mort de l’opération Overlord. Trois SAS sont faits prisonniers, les quatorze autres rejoignent le maquis de Saint-Marcel avec l’aide de la Résistance.

Pendant les mois de juin et juillet, les parachutistes SAS mènent une vie de coureurs des bois. Tantôt, ils attaquent brutalement et se replient, tantôt ils se terrent pour mieux intervenir lors d’une occasion favorable. L’ennemi et les miliciens sont au comble de l’exaspération. Ils torturent et tuent tous ceux qui sont suspects.

Le 18 juin au matin, le camp composé de 2500 maquisards et de 200 SAS est attaqué ; après des combats qui durèrent toute la journée, soutenus pendant une heure par l’aviation américaine, les Français réussiront à quitter Sérent et Saint-Marcel dans la nuit après avoir fait sauter leur dépôt de munitions. Le 12 juillet à l’aube, agissant par ruse, un groupe de Feldgendarmes accompagnés de miliciens s’infiltre jusqu’au poste de commandement du lieutenant Marienne à Kerihuel, Plumelec où 18 hommes, parachutistes, maquisards et fermiers, sont fusillés.

Enfin, lorsque le 3 août, les blindés du général Patton atteignent Rennes, ils font cesser les massacres. Le 4e bataillon SAS (ou 2e RCP), a perdu (tués, blessés, prisonniers) pendant deux mois de combat, 23 officiers et 195 hommes sur 50 officiers et 500 hommes (77 sont morts pour la libération de la Bretagne).

Les dernières opérations

Le combat SAS a parfois des conclusions imprévues. À Montceau-les-Mines, un groupe de parachutistes et une poignée de FFI, font croire à des forces ennemies très supérieures en nombre que l’effectif d’une division les encercle. Aussitôt, ils récupèrent 500 prisonniers, des chars et des canons. À la fin de la campagne, le 3e RCP a perdu 80 des siens sur un effectif de 400 hommes. Il a à son actif 5 500 ennemis mis hors de combat, 1 400 prisonniers environ et 382 véhicules divers.

À Noël 1944, les parachutistes SAS, opèrent dans les Ardennes belges, dans le cadre de la contre-offensive de l’opération Von Runstedt. Les hommes du 4e régiment SAS (2e RCP) livrent la chasse aux commandos de Skorzeny. C’est dans cette opération que le capitaine Sasson Meyer, médecin du régiment, est mortellement touché par un tir ami d’une patrouille américaine. Le 11 novembre 1944 à Paris, les hommes du 2e RCP ont reçu, des mains du général de Gaulle, la croix de la Libération. Le 2e RCP, qui porte le béret amarante depuis septembre, défile avec l’insigne SAS cousu sur celui-ci pour la première fois.

Le 7 avril 1945, les deux RCP (770 hommes) sont parachutés aux Pays-Bas dans le cadre de l’opération Amherst.

L’après guerre

Le 1er août 1945, les 3e et 4e régiments SAS, pour les Français 3e et 2e RCP, sont transférés vers l’armée de terre. Ils vont bientôt fusionner pour former un unique 2e RCP qui s’installe à Tarbes. Le 2 octobre 1945, le général britannique Calvert commandant de la brigade SAS, leur rend visite et remet au 2e RCP leurs fanions ainsi qu’un chapeau de Napoléon et au 3e RCP un de Wellington, en signe d’amitié et de fraternité d’armes.

Le 2e RCP est dissout le 30 septembre 1946. Un nouveau 2e RCP (non lié aux SAS) est mis sur pied et se voit confier le drapeau et le béret amarante. À sa dissolution, ses effectifs seront ventilés entre le 1er RCP et le 1er RICAP, tandis que son drapeau sera confié à la demi-brigade de Parachutistes SAS (infanterie métropolitaine), puis à la 1re demi-brigade de commandos parachutistes SAS d’Indochine. Cette dernière passera ensuite aux troupes coloniales en tant que demi-brigade coloniale de commandos parachutistes et deviendra plus tard le 1er RPIMa, conservant le drapeau, les décorations et les traditions du 2e RCP/SAS avec les Commandos parachutistes de l’air.

Decret du 8 novembre 1944

Le Général de Gaulle, Président du Gouvernement provisoire de la République Française, cite à l’ordre de la Nation avec la citation suivante comportant l’attribution de la Croix de la Libération, le 2ème Régiment de Chasseurs Parachutistes S.A.S :

« Le 2è R.C.P, sous les ordres du Lieutenant-Colonel Bourgoin, formation d’élite, qui a eu l’insigne honneur d’être la première des unités françaises à combattre à nouveau sur le sol de la Patrie. Parachutée au dessus de la Bretagne, au cours du mois de juin, à réussi à grouper autour d’elle plus de dix milles Résistants.

« Avec cette aide et au prix de lourdes pertes, a procédé avec le plus grand succés à l’attaque de certains éléments ennemis et à de nombreuses destructions de résaeaux téléphoniques, de dépots de munitions et de voies de communications d’importance capitale pour l’ennemi.

« A eu aussi une grande part dans le succés de l’offensive alliée de la tête de pont de Normandie et a été ainsi à l’origine de la libération de la Bretagne. »

Croix de la Libération remise par le Général de Gaulle au drapeau de l’Unité le 11 novembre 1944, à l’Arc de Triomphe à Paris. Fourragère de la Croix de la Libération remise au Chef de Corps du 1er R.P.I.Ma le 18 juin 1996 au Mont Valérien par le Président de la République et aux Cadres et Hommes du Régiment à Bayonne le 20 juin suivant.


Devise : « Who dares wins », en français Qui ose gagne.


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RÉFÉRENCES :

NOTES :

  1. Thomas Goisque : Quand les SAS français appuyaient le débarquement allié. Valeurs actuelles, 29 septembre 2019.
  2. Laurent Lagneau : Lieutenant Jacques Joubert des Ouches, disparu au large d’Utah Beach, le 6 juin 1944. Zone Militaire, 6 juin 2019.
  3. Benjamin Massieu : « Les Français du Jour J ». Editions Pierre de Taillac, 2019, pp. 225-226. [extrait]


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