MM Eugène et Émile Haag (deuxième édition, tome deux, Paris 1879) : La famille de Bouillane et de Richaud dans la France protestante

La France protestante, MM Eugène et Émile Haag, 1879. T. 2, page 984 : Très-jalouses de leurs privilèges, qui consistaient essentiellement dans l’exemption de la taille, les deux familles eurent à lutter pendant plus de deux siècles contre des tentatives d’empiétements, sans cesse renouvelées, de la part des consuls de la vallée de Quint. Deux arrêts du Parlement de Grenoble (17 mars 1554 et 19 octobre 1641) donnèrent gain de cause aux Bouillane et aux Richaud. En 1744, un nouveau procès, intenté par les consuls et porté également devant la cour souveraine de la province, aboutit à un résultat inattendu.

Après une possession de plusieurs siècles, la noblesse des deux familles ne pouvait plus guère être contestée, mais leurs ennemis — c’est-à-dire tous ceux que leur exemption de l’impôt rendait jaloux — bien qu’appartenant eux-mêmes, pour la plupart, à la religion réformée, accusèrent les Bouillane et les Richaud d’avoir contrevenu aux édits royaux qui défendaient d’assister aux assemblées du Désert. Les juges entrèrent avec empressement dans cette voie nouvelle. Un arrêt de la Chambre des vacations du 6 novembre 1745 condamna par défaut aux galères perpétuelles et à la déchéance de noblesse, pour contravention aux édits et ordonnances du roi concernant la religion, Jean-Pierre de Bouillane, du hameau des Bonnets {Bull. VI, 90) ; à la déchéance seule, Jean de Bouillane, de St-Julien-en-Quint, — François-David de Bouillane, de Villeneuve, — David-Jean de Bouillane (fils de feu Antoine), des Bergers, — Paul de Bouillane, des Bailles, — Paul de Bouillane, des Bonnets, — Jean-Pierre de Bouillane, dit Cousin, de Tourtres, — Matthieu, Noël et Claude (ce dernier fils de Jacques) de Bouillane. Vingt membres de la famille de Richaud furent aussi condamnés aux mêmes peines. (Arnaud, Hist. des prot. du Dauphiné, III; 406; Haag X, 405).

« Grand fut l’étonnemement, dit M. Lacroix, quand on vit tous les Richaud et tous les Bouillane privés de leur noblesse pour des faits particuliers et étrangers, lorsque les habitants de la vallée les plus assidus aux assemblées du désert n’étaient inquiétés en aucune façon. Cette partialité inquiéta les jeunes gens des familles poursuivies et la plupart quittèrent la contrée, les uns pour se faire soldats, les autres pour s’établir ailleurs ou même pour émigrer. »

Plus tard, une réaction favorable aux Bouillane et aux Richaud s’étant opérée, ils cessèrent d’être inquiétés pour leurs privilèges. Avant que la prescription trentenaire ne fût révolue, les condamnés de 1745 formèrent, le 6 octobre 1775, opposition à l’arrêt qui les avait frappés. Le procès dura plusieurs années et l’avocat Barnave (il s’agit probablement non du futur orateur de l’Assemblé constituante, mais de son père) fut choisi pour défendre les intérêts des deux familles. Il publia, en 1787, à l’appui des conclusions de ses clients, un mémoire développé qui contient le dépouillement d’un grand nombre d’anciens titres de famille.

On ignore comment l’instance se termina: il est probable qu’elle fut interrompue par les événements politiques. L’année suivante, lors des assemblées tenues pour la convocation des États généraux, seize Bouillane et vingt-neuf Richaud des élections de Montélimar, Valence et Vienne, se présentèrent à l’assemblée de Romans (10 septembre 1788), «en habits de paysans, avec de vieilles rapières et un havresac contenant leurs parchemins et leurs provisions de voyage».

1666 Claude BOLIAN

La famille de Bouillane existe encore soit en France, où une branche établie à Montélimar, dans la magistrature, porte le nom de Bouillane de Lacoste, soit sur le territoire Genevois où plusieurs de ses membres se retirèrent au dernier siècle. C’est ainsi que dès 1685 on voit André Bouliane, de la vallée de Quint, recevoir un viatique de la Bourse françoise de Genève. Dans les minutes des notaires genevois, on trouve : Anne, fille de feu Jacques de Bouliane, de St-Julien en Quint, qui épouse, en 1723, Antoine Fauve, des environs de Die ; — Suzanne, fille de Pierre Boulianne, de La Baume, et de Marie Marquet, femme (1744) de Nicolas Früh, d’Appenzell, habitant de Genève ; — sa soeur Madeleine, femme (1766) de Jean-Antoine Ville ; — Jeanne, fille de Jean ou Jean-David de Bouillane et de Françoise Jaussaud, femme (1754) de David Faure, du diocèse de Die, demeurant à Châtelaine; — Jean, de Quint, (frère de Jeanne qui précède), marié en premières noces à Jaqueline Nublet et en secondes noces à Jeanne Granon, de Beaufort eu Dauphiné ; il eut, du premier lit, Jean-André, né aux Pâquis, demeurant à la Coulouvrenière (on trouve encore aujourd’hui dans ce quartier de Genève un « chemin du Clos-Bouillane »), mari, 1782, de Jeanne de Bouillane, née à Quint, fille de feu Claude et de Isabelle de Richaud, et reçu bourgeois de Genève le 6 avril 1791 avec André-Léonard son fils ; — Imbert de Bouillane (1762), marié à Anne Anton, dont il eut deux fils, nés à Genève, Jean-Imbert et Jean-Pierre ; — Jean-Pierre (fils de Jean-Pierre et de Benoite Fayole], natif des Pelats, hameau de St-Julien-en-Quint; marié, 1766, à Catherine Paris (fille de feu Jean et de Madeleine Favetier), née à Heusden en Hollande ; — Jean-Mathieu de Bouillane (fils de Noël), habitant aux Eaux-Vives, près Genève (1768, 1796); — Pierre-Louis, son frère, admis à la bourgeoisie de Genève le 9 avril 1791; — un autre Jean-Mathieu de Bouillane, fils de feu noble Jacques, de Quint, marié, 1725, à Catherine fille de feu Jean Arthaud de Macheny (ou de S. Sébastien de Macheny, comté de Morges), eu Dauphiné. Celle-ci donne, étant veuve, procuration à maître J.-J.-B. Gosse, procureur au Châtelet de Paris, pour ses droits à la succession de feu Louis Arthaud, banquier à Paris. 1769.

Actuellement (1879), ce nom ne compte plus qu’un représentant à Genève, — et deux à Céligny dont l’un (Jean-Louis-Etienne, fils de Jacob), est maire de cette commune du canton de Genève.

D’autres réfugiés du même nom se retirèrent à Lausanne, notamment Judith, jeune fille de Valence, revenant de Schaffouse, assistée de 1696 à 1701, morte oct. 1701 ; — Jeanne, de Die, assistée, juin. 1689 – octobre 1691, se rend en Allemagne, assistée de nouveau avril 1692, janv. 1693; — Madeleine, du Dauphiné, assistée 1690, 1692-94, va aussi en Allemagne entre ces deux époques ; c’est peut-être la même Madeleine, de Valence, qu’on retrouve (Arnaud, III, 343) en 1698, à Magdebourg, veuve ; — noble Pierre, de la vallée de Quint, malade, assisté 1695-1700, mort le 14 avril 1701 ; — la femme de Pierre, assistée, 1690 ; — Etienne, de Quint, habitant au pays de Vaud, y épouse (1698), Bonne, fille de Jacques Faucon, de Bemolhon eu Dauphiné, dont il a Jeanne-Françoise, morte à Lausanne, octobre 1714; Jeanne, veuve Benoît, du Dauphiné, morte à Lausanne, sept. 1702; — Madeleine, femme de Dussiel de Nîmes, morte (52 ans) à Lausanne, janv. 1701.

Faute de connaître tant de menus et prosaïques renseignements, on parle encore aujourd’hui sur les rives du lac de Genève, comme autrefois dans les forêts du Dauphiné, des légendes ténébreuses et mystérieuses de la famille de Bouillane.


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Diane Renaud
5

« Je suis vraiment impressionnée par vos recherches M Boulianne. C’est vraiment étonnant tout ce que vous êtes capable de trouver. »

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En tant qu’auteur et chroniqueur indépendant, Guy Boulianne est membre du réseau d’auteurs et d’éditeurs Authorsden aux États-Unis, de la Nonfiction Authors Association (NFAA), ainsi que de la Society of Professional Journalists (SPJ). Il adhère de ce fait à la Charte d’éthique mondiale des journalistes de la Fédération internationale des journalistes (FJI).

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