Née le 4 février 1909 à Sourcieux-les-Mines (Rhône, France), Julie Jeanne Bouillane est décédée à Toulouse le 23 juin 1979, à l’âge de 56 ans. Elle fut l’une des plus célèbres membres de la Résistance, membre du réseau Alliance au sein des forces françaises combattantes (FFC).
Comme son mari, le commissaire Jean Philippe, elle était dans la résistance, membre du groupe « Sabot » et du Réseau Alliance. « Sabot », un groupe belge de résistance, organisait, en coopération avec le Réseau Alliance, des filières d’évasion vers l‘Espagne ou même l’Algérie en passant par les Pyrénées.
Alliance était l’un des plus actifs réseaux de renseignement de la Résistance, avec la Confrérie Notre-Dame et, comptant jusqu’à 3 000 membres, le plus important des réseaux travaillant avec l’Intelligence Service britannique (IS ou MI6) sur le territoire français. Le réseau dénombre au total 438 morts sur plus de 1 000 arrestations. Chaque membre, pour préserver son identité, se vit désigner un matricule en accord avec l’IS. Puis, pour rendre plus pratique la communication entre les différentes parties, les dirigeants du réseau adoptèrent des surnoms ou pseudonymes rappelant des noms d’animaux. C’est pourquoi la police allemande lui a attribué le nom original d’Arche de Noé. Toutefois, certains groupes, agglomérés au réseau, gardèrent des pseudonymes de métier. Le colonel Édouard Kauffmann « criquet » (appelé pour la cause « manitou ») créa un service de défense armée « les Apaches » dont les membres portèrent des noms d’indiens ou de tribus indiennes.
Julie-Jeanne et son mari Jean Philippe organisaient l‘hébergement de fugitifs, les faisaient accompagner en direction de la frontière espagnole et établissaient les liaisons nécessaires. Ils cachaient des jeunes hommes qui refusaient de partir au STO (service travail obligatoire) en Allemagne, ainsi que des Français et des Belges qui voulaient se joindre aux alliés et des pilotes alliés parachutés au-dessus de la France. Après l‘arrestation de son époux, le 29 janvier 1943, Julie Jeanne Bouillane continua ses activités.
La Gestapo l‘arrêta à Toulouse, le 21 août 1943 et la conduisit dans les prisons Furgole et Saint-Michel à Toulouse. Elle supporta plusieurs « interrogatoires » sans parler. Le 2 février 1944, les nazis la déportèrent au camp de concentration de femmes à Ravensbrück et ensuite au camp de concentration Bergen-Belsen où elle fut libérée fin mai 1945 par les troupes britanniques. Elle participera de 1952 à 1955 à la campagne d’Indochine dans les transmissions.
Elle était l’une des femmes les plus décorées de France, puisqu’elle détenait, à côté de la Médaille militaire, de la Croix de guerre avec palme et étoile d’argent, et de la Légion d’honneur, onze décorations françaises et étrangères. Sa fille Régine évita, après la mort de sa mère, tout contact avec les organisations de résistants. En 1997 cependant, elle reçut l‘attribution à son père du titre de « Juste parmi les Nations » par Yad Vashem.
Jean Philippe, dit Basset
Jean Philippe, né le 14 novembre 1905 à Lyon, commissaire de police depuis 1937, est affecté à Lourdes. En 1940, il adhère au réseau belge Sabot, travaillant aussi pour un réseau Polonais et pour le 2e Bureau. En 1941, il s’engage sous l’alias de « Basset » dans le réseau Alliance, dirigé par Marie-Madeleine Fourcade. Il dirige le réseau pour les sept départements du Sud-Ouest et participe au sauvetage de nombreux Juifs et en intègre dans son réseau.
Fin 1942, il est nommé commissaire de police pour le 7e arrondissement de Toulouse. Il aide la résistance en Haute-Garonne, en les prévenant des arrestations prévues et fourni des faux papiers à des Juifs. Il refuse en janvier 1943 de remettre aux Allemands la liste des Juifs de son quartier, refus accompagné d’une lettre de démission.
Rentré dans la clandestinité, aidé par Marie-Madeleine Fourcade, il s’établit à Beaumont-de-Lomagne et collabore aux activités de la Sixième et remet des faux papiers à des Juifs qu’il remet à Lucien Fayman, responsable de la Sixième-EIF dans la région de Toulouse et membre du réseau Buckmaster qui organise des parachutages d’armes, de matériel et de munitions.
Découvert suite à l’imprudence d’un de ses collègues complice, il est arrêté par la Gestapo le 28 janvier 1943, torturé, puis emprisonné à Karlsruhe en Allemagne, il est exécuté le 1er mars 1944 avec 14 membres de son réseau réseau, allant à la fusillade un tissu rouge à l’emplacement du cœur et chantant la Marseillaise.
Une rue de Toulouse porte son nom. Sa femme, qui l’assistait, fut arrêtée avec lui et déportée (elle en revint), alors qu’ils venaient d’adopter une petite fille. Jean Philippe a été homologué dans le grade de capitaine, et décoré à titre posthume de la Légion d’Honneur et de la Médaille de la Résistance. En 1981, Yad Vashem lui décerne le titre de « Juste »4. La 9e promotion de commissaires de l’école nationale supérieure de police (1957/1958) porte son nom, ainsi qu’une rue à Toulouse.
Lettre de démission datée du 15 janvier 1943
Philippe explique sa grave décision dans un courrier qu’il adresse le 15 janvier 1943 à son supérieur hiérarchique, le commissaire central de Toulouse. Cette lettre, courageuse et lucide, peut être considérée comme un des grands textes de la Résistance. Elle est conservée aux Archives Départementales de la Haute-Garonne.
« J’ai le regret de vous rendre compte de ce que la politique actuellement suivie par notre gouvernement n’étant pas conforme à mon idéal, je ne saurais désormais servir avec fidélité. Je refuse – et sous mon entière responsabilité – de persécuter des israélites qui, à mon avis, ont droit au bonheur et à la vie, aussi bien que M. Laval lui-même. Je refuse d’arracher, par la force, des ouvriers français à leur famille : j’estime qu’il ne nous appartient pas de déporter nos compatriotes et que tout Français qui se rend complice de cette infamie, se nommerait-il Philippe Pétain, agit en traître. Je connais l’exacte signification des mots que j’emploie. En conséquence, Monsieur le Commissaire Central, j’ai l’honneur de vous informer de ce que, par le même courrier, ma démission est transmise à Monsieur l’Intendant Régional de Police. Permettez-moi de vous exprimer ma gratitude pour l’extrême bienveillance dont vous fîtes toujours preuve à mon égard et veuillez agréer l’expression de mon respectueux dévouement. »
SIGNÉ : Philippe, ex-commissaire du 7e arrondissement
RÉFÉRENCES :
- Toulouse (AP) : Décès d’une Héroïne de la Résistance (Julie Jeanne Bouillane). La Presse, 26 juin 1979, Cahier A, p. 11.
- L’Écho de Frontenac : Julie Jeanne Bouillane. 3 juillet 1979, Cahier 1, page 2.
- Karlsruhe erinnert : 1er avril 1944 – Résistants français et belges, morts pour une Europe sans barbarie. Stadt Karlsruhe, 2015, p. 32. [Archive] — [Archive]
- Histoires de Français Libres ordinaires : BOUILLANE épouse PHILLIPE (Jeanne Julie). Dossiers administratifs de résistants du SHD.
- Mémoire des hommes : Jeanne Julie BOUILLANE. Service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 78770, Ministère de la défense.
- Jean-Louis Ponnavoy : PHILIPPE Jean, Marius, Louis. Mise en ligne le 19 juin 2016. Association des Amis du Maitron. Dictionnaire biographique, mouvement ouvrier, mouvement social. (voir aussi: Association l’Alliance)
- Notice : Jean Philippe, dit Basset. Anonymes, Justes et persécutés durant la période nazie.
- Livre Mémorial : Liste alphabétique des femmes (IV.2.). Fondation pour la Mémoire de la Déportation, 30 juillet 2008.
- Equipe du Livre-Mémorial : Le KL Ravensbrück (RA). Fondation pour la Mémoire de la Déportation.
- Elérika Leroy : « Jean Philippe, dit Basset ». Mémorial François Verdier Forain | Libération Sud.
- Alain Roy : « Une plaque commémorative pour le Commissaire Philippe ». Association du Quartier Chalets-Roquelaine. La gazette des chalets n°99, Automne 2019, p. 6.