La Cour suprême statue que le gouvernement ne bénéficie pas d’une immunité absolue à l’égard des actes législatifs inconstitutionnels

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La Cour suprême du Canada a rendu une décision historique dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Power, 2024 CSC 26 (Jugements de la Cour suprême), affirmant que les particuliers peuvent réclamer des dommages-intérêts pour les violations de leurs droits garantis par la Charte causées par une loi inconstitutionnelle. L’affaire concernait Joseph Power, qui s’est retrouvé inadmissible de façon permanente à une suspension de casier judiciaire en raison de modifications rétrospectives apportées à la législation. Ces modifications, adoptées par le Parlement, ont eu une incidence sur ses possibilités d’emploi et ont porté atteinte à ses droits garantis par les articles 11h) et 11i) de la Charte canadienne des droits et libertés. Ces articles protègent les personnes contre la double incrimination et garantissent le droit de bénéficier de la peine la moins lourde lorsque les lois changent.


La Cour suprême du Canada confirme que l’État peut, dans des circonstances limitées, être obligé de payer des dommages-intérêts pour avoir fait une loi inconstitutionnelle. Cet appel porte sur la question de savoir si l’État est à l’abri de toute responsabilité en dommages-intérêts quand il fait une loi qui est par la suite déclarée inconstitutionnelle par les tribunaux. Il y a immunité contre toute responsabilité en dommages-intérêts dans les cas où les tribunaux ne peuvent ordonner le paiement de tels dommages-intérêts.

Joseph Power dit qu’il a demandé la suspension de son casier judiciaire en 2013, mais que sa demande a été rejetée. La suspension du casier judiciaire permet aux personnes qui ont été reconnues coupables d’une infraction criminelle, mais qui ont purgé leur peine et démontré qu’elles sont des citoyens respectueux des lois, de demander que leur casier judiciaire soient gardés à part des autres dossiers judiciaires dans certaines circonstances. Monsieur Power affirme que son casier judiciaire l’a empêché de travailler dans le domaine dans lequel il avait reçu sa formation.

En 1996, lorsque M. Power a été déclaré coupable, les personnes reconnues coupables d’actes criminels pouvaient demander la suspension de leur casier judiciaire cinq ans après leur libération. Les actes criminels constituent une catégorie d’infractions criminelles plus graves. Des dispositions législatives adoptées en 2010 et en 2012 ont rendu M. Power inadmissible en permanence à une suspension de son casier judiciaire. Ces dispositions législatives ont été déclarées inconstitutionnelles par des tribunaux dans d’autres affaires, et le procureur général du Canada reconnaît qu’elles violent la Charte canadienne des droits et libertés. Monsieur Power prétend qu’il a droit à des dommages-intérêts en vertu du par. 24(1) de la Charte pour la violation de ses droits que lui a causée l’adoption des dispositions législatives.

Le procureur général du Canada a demandé au tribunal qui entendait la demande de M. Power de répondre à deux questions. Premièrement, l’État peut-il être obligé de payer des dommages-intérêts pour la préparation et la rédaction, par le gouvernement, d’un projet de loi devenu plus tard une loi, qui a par la suite été déclarée inconstitutionnelle? Deuxièmement, l’État peut-il être tenu de payer des dommages-intérêts pour l’adoption, par le Parlement, d’un projet de loi qui a par la suite été déclaré inconstitutionnel?

La Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick a répondu « oui » aux deux questions, concluant que l’État n’a droit qu’à une immunité restreinte contre les condamnations à des dommages-intérêts fondées sur la Charte pour l’adoption de lois inconstitutionnelles. La Cour d’appel du Nouveau-Brunswick a dit être d’accord avec cette décision et a rejeté l’appel du procureur général du Canada. Ce dernier a interjeté appel à la Cour suprême.

La Cour suprême a rejeté son appel.

L’État peut être obligé de payer des dommages-intérêts pour avoir fait une loi inconstitutionnelle si celle-ci est clairement inconstitutionnelle, ou si elle constituait un comportement de mauvaise foi ou un abus de pouvoir.

Rédigeant les motifs des juges majoritaires, le juge en chef Wagner et la juge Karakatsanis ont répondu «oui» aux deux questions. L’État n’a pas droit à une immunité absolue contre toute responsabilité en dommages-intérêts lorsqu’il adopte une loi inconstitutionnelle qui viole des droits garantis par la Charte. Il peut au contraire être tenu de verser des dommages‑intérêts en vertu de la Charte si la loi est clairement inconstitutionnelle ou si elle constituait un comportement de mauvaise foi ou un abus de pouvoir. L’immunité absolue ne permet pas de concilier adéquatement les principes constitutionnels qui protègent l’autonomie législative tels que la souveraineté parlementaire et le privilège parlementaire, ainsi que les principes qui exigent que le gouvernement soit tenu responsable d’avoir violé des droits garantis par la Charte, des principes comme la constitutionnalité et la primauté du droit. Chacun de ces principes est un élément essentiel du droit constitutionnel canadien, et ils doivent tous être respectés pour assurer une séparation adéquate des pouvoirs. En mettant le gouvernement à l’abri de toute responsabilité, et ce, même dans les circonstances les plus graves, l’immunité absolue contournerait les principes qui exigent la reddition de comptes par le gouvernement.

Comme il est écrit sur la page Substack du webzine médiatique The Canadian Independent :

« La décision souligne l’importance du contrôle judiciaire dans le respect de la Charte et constitue un moyen essentiel de contrôle du pouvoir législatif. Elle précise que même si les organes législatifs disposent de pouvoirs étendus, ils ne sont pas à l’abri d’un contrôle et doivent rendre des comptes pour les actes qui portent atteinte aux droits constitutionnels.

« Cette décision devrait influencer la manière dont les législatures abordent la rédaction et la promulgation des lois, garantissant ainsi un plus grand respect des principes de la Charte et une meilleure protection des droits individuels. »


SOURCES ET RÉFÉRENCES :


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En tant qu’auteur et chroniqueur indépendant, Guy Boulianne est membre du réseau d’auteurs et d’éditeurs Authorsden aux États-Unis, de la Nonfiction Authors Association (NFAA), ainsi que de la Society of Professional Journalists (SPJ). Il adhère de ce fait à la Charte d’éthique mondiale des journalistes de la Fédération internationale des journalistes (FJI).

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