Le patriarche Kyrill : « La Russie, qui rejette les pires manifestations de la mondialisation, est devenue un phare pour le monde » …

Il me fait un très grand plaisir de partager avec vous un nouvel article que mon collègue Gérard Luçon m’a récemment fait parvenir. Gérard Luçon est un ancien éducateur puis directeur au Ministère de la Justice, ancien directeur de “Handicap International” puis de “Le Chèque Déjeuner” en Roumanie, ancien directeur général d’une société “Off Shore” en Chine (Harbin – HeiLongJiang) et ancien secrétaire général d’un fonds de pension en Roumanie. Officier de l’Ordre National “Steaua României”, il est l’auteur du livre “Aventures, Contes et Histoires Africaines” publié aux éditions L’Harmattan. Il a vécu en France, au Sénégal, en Roumanie et en Chine, suffisamment à chaque fois pour y connaître plus ou moins les gens, leur histoire, leur identité et leur culture. « La liberté d’expression est un bien trop précieux pour qu’on laisse quiconque y toucher, la pire des choses étant de laisser s’installer un “Ordre Moral” en lieu et place de la démocratie et des valeurs fondamentales de notre pays. » Gérard Luçon écrit plusieurs chroniques pour le compte de Agoravox.

En 1999, Gérard Luçon a reçu le titre d’Officier de l’Ordre national « Etoile de Roumanie » des mains du Président Emil Constantinescu à l’Ambassade de Roumanie à Paris.

L’Ukraine vue autrement (7)

Saucissonnage ou explosion générale ?

Il y a presque une année, le 5 février 2022, je commençais une série d’article relatifs à l’Ukraine, le 1er d’entre eux abordait le sujet religieux avec la  « Laure de Kiev » (liens en fin de cet article).

1/- le religieux :

Je vais donc reprendre cette année encore avec l’église orthodoxe et cette déclaration du Patriarche Kyrill. Vu comment évoluent les choses en Ukraine, notamment les actions contre les religieux orthodoxes et les églises, il est évident que Kyrill ne pouvait pas rester muet : « Parce que nous sommes une alternative, et une alternative très attrayante. La Russie, qui rejette les pires manifestations de la mondialisation, est devenue un phare pour le monde. Les gens voient la Russie comme un pays qui illustre la loyauté envers les valeurs traditionnelles, comme la famille, le devoir, le patriotisme. » … L’occident, en couvrant ces exactions, transforme cette guerre en « guerre sainte » ou plus précisément, connaissant un peu le vocabulaire utilisé par les russes en « grande guerre patriotique » !

Récemment le gouvernement de Kiev a lancé une offensive contre l’église orthodoxe dite russe, en investissant certaines églises, en brimant les prêtres voire en les agressant, et même dans le cas du Mitropolite Longhin en enlevant la centaine d’orphelins dont il s’occupait. De plus a été lancée une campagne de changement de prénoms pour les fidèles de cette église, en leur interdisant de garder des prénoms considérés comme russes ! Cette méthode n’est pas neuve, beaucoup de juifs askhénazes ont été amenés à change leur nom de famille après avoir été expulsés de la Russie tsariste, mais également des autrichiens « du sud » comme une de mes tantes, née Koënig et rebaptisée Del Re suite aux conquêtes italiennes (quand le Sud Tyrol est devenu le Haut Adige).

2/- le droit international :

Voici un extrait fort instructif de la conférence de presse de Sergey Lavrov, ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, le 18/01/2023 (merci Emmanuel Leroy) :

Question : Vous avez parlé du respect de la Charte de l’ONU. De quel respect du droit international faites-vous preuve lorsque vous avez envoyé des troupes en Ukraine le 24 février ?

Sergey Lavrov : La question du respect de la Charte des Nations Unies est beaucoup plus large que ne le suggère votre simple question. Elle peut être facile à vendre pour une personne moyenne aux États-Unis, mais devant un public sérieux, l’approche doit être quelque peu différente.

Au début de cette conférence de presse, j’ai évoqué l’égalité souveraine des États comme un principe clé de la Charte des Nations unies. Il est au cœur de l’Organisation des Nations unies. Si vous y regardez de plus près, il ne vous faudra pas beaucoup de temps pour trouver des preuves, dans des livres ou sur Internet, de la façon dont les États-Unis piétinent le principe même de l’égalité souveraine chaque jour, chaque heure.

La Russie a expliqué les raisons de ses actions en Ukraine lorsque toute cette situation a commencé. Les États-Unis et leurs alliés ont condamné la Russie. Si vous respectez l’égalité souveraine des États, et le respect de cette égalité est votre obligation, vous suivez les principes de la démocratie en laissant les autres déterminer par eux-mêmes s’ils comprennent la Russie ou non, s’ils soutiennent la Russie ou les États-Unis. Mais personne ne les laisse procéder de la sorte. Les États-Unis, avec leur armée d’ambassadeurs et d’envoyés spéciaux, s’humilient chaque jour dans le monde entier en courant partout et en exigeant que tout le monde condamne la Russie. Est-ce là l’égalité souveraine des États ? Ils utilisent le chantage. Les Américains disent que si ces pays ne condamnent pas la Russie, ils devraient garder à l’esprit qu’ils ont de l’argent sur leurs comptes à la Chase Manhattan Bank, alors que leurs enfants sont inscrits à Stanford. Voilà ce qu’ils disent. Comme c’est indigne et humiliant pour une grande puissance.

La Charte de l’ONU n’est pas un si grand document. Vous pouvez la lire, si cela vous intéresse. Elle énonce l’égalité souveraine des États et l’autodétermination des nations, qui vient en premier dans le texte, comme les grands principes, avec l’intégrité territoriale des États. La Charte mentionne ces deux principes – l’autodétermination et l’intégrité territoriale des États – comme étant au même niveau. Dès les premiers jours des Nations unies, dès l’approbation, la ratification et l’entrée en vigueur de la Charte, des questions ont été soulevées quant à la priorité de l’un sur l’autre. Une procédure spéciale a été instituée et tous les membres de l’ONU ont passé plusieurs années à discuter de cette question, ainsi que d’autres sujets liés à l’interprétation de la Charte.

Enfin, cela a ouvert la voie à l’adoption, en 1970, de la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations unies, qui est toujours en vigueur à ce jour. Dans cette déclaration, il y a toute une section sur l’autodétermination qui dit qu’il s’agit d’un principe universel, ce qui signifie que le respect de l’intégrité territoriale est un principe que tout le monde doit respecter lorsqu’il s’agit de pays dont le gouvernement respecte le principe d’autodétermination et représente les intérêts de tous les peuples vivant sur le territoire en question. En vertu de la Charte, nous devons respecter l’intégrité territoriale des États représentant l’ensemble de la population de leur pays.

Un coup d’État contre le gouvernement a eu lieu en Ukraine en 2014 après que la sous-secrétaire d’État Victoria Nuland a distribué des biscuits aux terroristes, et les Américains ont instantanément reconnu les organisateurs du coup d’État. Mais qu’en est-il de l’Europe ? Les États-Unis n’en ont rien à faire, ignorant que c’est l’Europe qui s’est portée garante dans l’accord avec le président ukrainien. Vous souvenez-vous de ce que Victoria Nuland a suggéré à l’ambassadeur américain en Ukraine Geoffrey Pyatt concernant la manière dont il devait traiter l’UE ? Elle a utilisé un mot de quatre lettres en anglais pour décrire ce qu’ils pensent de l’UE.

Les putschistes qui sont arrivés au pouvoir ont déclaré qu’ils expulseraient les Russes de Crimée. Lorsque la Crimée et l’est de l’Ukraine ont refusé d’obéir à ceux qui étaient arrivés au pouvoir illégalement après avoir organisé un coup d’État sanglant, les organisateurs du coup d’État leur ont déclaré la guerre. Ils sont entrés en guerre contre leur propre peuple. Ils ont brûlé vifs 48 personnes dans la Maison des syndicats d’Odessa. Il existe des preuves vidéo que tout le monde peut voir. Vous n’avez même pas besoin d’instituer un tribunal. Il suffit de regarder les images et de rendre un verdict de culpabilité. Il y a les noms de famille des personnes qui ont tiré sur des civils qui essayaient de se sauver du feu en sautant par les fenêtres. Tout est là. Au lieu de cela, les autorités ukrainiennes ont ouvert des poursuites pénales contre ceux qui ont péri dans l’incendie. Et tous les progressistes de la communauté internationale suivent les règles de l’Amérique en fermant les yeux sur toute cette situation. Nombre des événements qui se sont déroulés là-bas constituent des crimes de guerre.

Comment ceux qui sont arrivés au pouvoir peuvent-ils être considérés comme un gouvernement représentant les intérêts de l’ensemble de la population ukrainienne à l’intérieur de ses frontières ? Comment l’administration Porochenko peut-elle être considérée comme un tel gouvernement si elle est devenue présidente grâce à sa promesse de faire la paix dans le Donbass en une semaine, mais qu’elle a rapidement commencé à affirmer qu’elle allait achever les habitants du Donbass, que ses propres enfants iraient dans des écoles et des jardins d’enfants tandis que les enfants du Donbass s’abriteraient dans des sous-sols. Ces propos ont été tenus par le président du pays auquel appartient le Donbass. Représentait-il les intérêts des personnes qu’il a insultées ?

Certains espéraient qu’avec Vladimir Zelensky, tout allait changer. Il est également arrivé au pouvoir en tant que « président de la paix », laissant entendre par tous les moyens que sa série télévisée, Serviteur du peuple, où il évince les oligarques pour agir au nom des gens ordinaires, reflète ses propres idéaux qu’il mettrait en pratique lorsqu’on lui remettrait la matraque du président. Mais dans une interview de novembre 2021 (je l’ai déjà citée), interrogé sur les personnes vivant dans le Donbass, il a répondu qu’il y avait des gens et des créatures. Plus tôt, en août 2021, il a suggéré que tous les gens qui vivent en Ukraine et s’identifient comme Russes devraient sortir et aller en Russie pour le bien de leurs enfants et petits-enfants.

Si vous me dites maintenant que, avec ces opinions et avec ses actions en général, Vladimir Zelensky représente les intérêts de toute la population de l’Ukraine qu’il veut voir à l’intérieur des frontières fixées en 1991, alors il n’y a peut-être pas beaucoup d’intérêt à poursuivre cette conversation. Mais c’est la seule interprétation reconnue par le tribunal international pour la relation entre le droit à l’autodétermination et le respect de l’intégrité territoriale.

Je voudrais savoir ce que les journalistes américains pensent de l’agression contre la Yougoslavie. À l’époque, le magazine Time a publié une couverture intitulée « Bringing the Serbs to heel. Un bombardement massif ouvre la porte à la paix ». Vous pouvez probablement trouver des archives de la couverture médiatique américaine de la guerre contre l’Irak, de la guerre contre la Libye, de l’invasion américaine de la Syrie et de l’Afghanistan. Là-bas, si quelqu’un bougeait, on lui tirait dessus avec des bombes à fragmentation. Combien de mariages ont-ils anéantis ? Il serait intéressant de comparer.

Je vous ai donné une justification de nos actions du point de vue du droit international. Les républiques populaires de Donetsk et de Lougansk ne pouvaient pas exister sous un gouvernement qui les déclarait ouvertement terroristes, sauvages, sous-hommes et bombardait quotidiennement leurs jardins d’enfants et leurs écoles.

Un incident s’est produit à Dnepropetrovsk tout récemment. Un « expert » ukrainien a décrit comment cela s’est passé. Tout le monde s’est rendu compte que la défense antiaérienne de l’Ukraine, en dépit de toutes les règles de la guerre et du droit humanitaire international, était basée dans des quartiers résidentiels. Le fonctionnement d’un de ces systèmes a entraîné la chute d’un missile sur un immeuble résidentiel. Au cours des huit années d’agression de Kiev contre sa propre population dans le Donbass, un grand nombre d’incidents similaires se sont produits. Nos journalistes et correspondants militaires, qui travaillent là-bas en temps réel et rapportent la vérité, ont fait de même avant même les accords de Minsk. Et surtout après les accords de Minsk, ils ont travaillé chaque jour sur la ligne de contact du côté des républiques de Donetsk et de Lougansk, montrant comment les bombes des néonazis ukrainiens détruisent les zones résidentielles, tuent les gens, détruisent les jardins d’enfants, les cafétérias et les écoles. Cependant, il n’y avait pas de couverture régulière de l’autre côté. La BBC venait de temps en temps pour filmer des reportages assez véridiques. Mais elle s’est vite rendu compte de ce que ses reportages confirmaient : les dommages causés aux infrastructures civiles sont bien moindres du côté ukrainien. La DPR et la LPR ne répondent qu’aux bombardements. L’OSCE l’a enregistré comme un fait, même si cela a pris du temps. Pendant plus d’un an, nous avons demandé que les rapports de l’OSCE ne se contentent pas d’indiquer le nombre d’infrastructures civiles détruites et de civils tués, mais qu’ils précisent de quel côté de la ligne de contact se trouvent les dégâts et le nombre de victimes.

Dès que nous avons réussi à faire publier le rapport, il est devenu évident que les dommages du côté de Donetsk et de Lougansk étaient cinq fois plus importants que du côté du régime de Kiev qui ne recevait des tirs qu’en réponse aux attaques.

Ils s’indignent en voyant n’importe quelle image des dommages causés au régime ukrainien. Mais ces mêmes citoyens gardent le silence sur les images déchirantes de ce que les néonazis ukrainiens ont fait aux civils, aux enfants, aux personnes âgées et aux femmes.

Bien sûr, l’histoire verra que justice est faite, mais le droit international ne doit pas être ignoré.

3/- l’aspect militaire :

L’ancien conseiller de Trump, le colonel de l’armée américaine Douglas McGregor sur les scénarios pour mettre fin au conflit en Ukraine :

• Même l’évocation d’une éventuelle « guerre des rebelles » en Ukraine, que nous sommes prêts à soutenir pendant 20 ans, est une garantie que les troupes russes devront aller jusqu’à la frontière polonaise, jusqu’aux frontières roumaine et moldave. La préoccupation de Poutine est que « si je signe un accord selon lequel tout ce qui se trouve à l’est du Dniepr, y compris potentiellement Odessa, revient sous contrôle russe, est-ce que cela s’arrêtera vraiment là ? » Voici la question qu’il devrait se poser.

• Si nous ne donnons pas de garanties de sécurité, Poutine dira « Je ne peux pas signer ça » et marchera vers l’Ouest. C’est un dilemme que nous n’avons jamais pu comprendre, et nous avons rendu la situation bien pire qu’elle ne l’était.

• Nos actions ne sont pas qu’un tas d’armes qui ne changeront pas l’issue de la guerre. C’est une humiliation de la Russie, nous voulons la détruire, la démembrer. C’est de la folie! Dans ces circonstances, je serais surpris si on s’en sortait sans échange nucléaire. [Est-il plus facile pour les États-Unis d’aller dans une guerre nucléaire que de perdre en Ukraine ?] J’ai toujours eu peur que lorsque l’Ukraine s’effondre, nous essayions d’intervenir. Cela précipiterait un affrontement avec les Russes, que nous perdrons.

• C’est un calcul simple. Nous nous battons aux frontières de la Russie. Si la Russie envoyait 100 000 soldats à la frontière mexicaine, nous les écraserions simplement parce qu’ils sont à notre frontière. Et en Ukraine, nous perdrons. Et si nous ne gagnons pas, l’OTAN sera en difficulté. Autrement dit, cela transforme la situation en un problème vital pour nous. Et quand les Russes écraseront tôt ou tard l’Ukraine, l’OTAN sera en difficulté. Les membres de l’Alliance se lèveront et penseront : « Pourquoi suis-je même impliqué là-dedans ? »

• Si Biden décidait de mettre fin à cela, il décrocherait le téléphone et Zelensky obéirait immédiatement. Nous avons dépensé plus de 100 milliards de dollars pour soutenir l’Ukraine, nous la possédons, ce sont 51 États américains. Ils ne sont pas indépendants, on peut tout arrêter quand on veut. Le problème, c’est qu’il n’y a aucune preuve que quelqu’un ici veuille ça.

En conclusion provisoire :

Ces 3 approches laissent peu d’espoir de voir continuer à exister l’Ukraine sous sa forme initiale, quand elle a été créée le 25 décembre 1917 comme République Socialiste Soviétique avec comme capitale Kiev.

En s’en étant pris avant tout aux populations russophones mais aussi à celles roumanophones, magyarophones,… le gouvernement putchiste de Kiev issu du Maidan a démontré que s’il existait un Etat ukrainien, il n’existait pas une Nation ukrainienne ni un Peuple ukrainien. Donc s’il n’y a pas explosion généralisée de ce conflit, il y aura saucissonnage de ce pays, la Pologne étant déjà dans les starting blocs pour récupérer ce qu’elle considère comme ses terres historiques, à savoir Volhynie, Galicie et Podolie, et elle aura à nouveau une frontière commune avec la Roumanie, comme entre les deux guerres mondiales!

Commentaire concernant la photo ci-haut :

« Le 2 janvier 2023, vers 9 heures du matin dans l’église de l’Intercession de la Mère de Dieu, une attaque au couteau contre l’archiprêtre Antony Kovtoniuk principal du diocèse de Vinnytsia a eu lieu. – rapporte le service de presse du diocèse de Vinnytsia ». Le père Antony est en soins intensifs. »

Liens vers mes articles « L’Ukraine vue autrement » :

Carole Lavoie
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« Vous êtes vraiment une passerelle entre le monde anglophone et francophone qui lui est hélas souvent confiné sous un "dôme" de propagande bien étanche surtout au Québec. MERCI d'être là! »

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En tant qu’auteur et chroniqueur indépendant, Guy Boulianne est membre du réseau d’auteurs et d’éditeurs Authorsden aux États-Unis, de la Nonfiction Authors Association (NFAA), ainsi que de la Society of Professional Journalists (SPJ). Il adhère de ce fait à la Charte d’éthique mondiale des journalistes de la Fédération internationale des journalistes (FJI).

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